Conditions de travail inadéquates : une porte ouverte aux lésions psychologiques reconnues.
- Laurie Croteau
- il y a 7 jours
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Dans une décision rendue par le Tribunal administratif du travail (TAT) le 28 novembre 2024 (2024 QCTAT 4383), un employé du secteur du transport routier a vu sa contestation accueillie relativement au refus initial de la CNESST de reconnaître certaines lésions professionnelles. Cette affaire met en évidence plusieurs obligations importantes pour les employeurs, tant sur le plan des conditions de travail que de la gestion administrative.
Contexte de la décision
Une conductrice de poids lourds, nouvellement embauchée, a effectué en moyenne 57 heures de travail par semaine, alors qu’on lui avait initialement présenté un poste comportant entre 40 et 45 heures, centré sur la conduite.
Elle a été appelée à faire de la manutention répétée de charges lourdes, dans certains cas à l’aide d’équipements inadéquats ou défectueux, ce qui ne correspondait pas aux tâches décrites lors de l’embauche.
Deux incidents sont survenus au cours de l’été 2022, entraînant un diagnostic de lombosciatalgie et, par la suite, un trouble de l’adaptation évoluant en dépression majeure.
L’employeur n’a pas rectifié certaines situations dénoncées par l’employée, notamment en lien avec la sécurité de l’équipement et l’organisation du travail.
Constats du Tribunal
Le Tribunal administratif du travail a reconnu :
Lésion physique : La blessure survenue en août 2022 a été considérée comme une lésion professionnelle, relevant de l’article 28 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (LATMP). La preuve a démontré que l’effort physique requis au travail, avec un transpalette défectueux, était à l’origine directe de la lombosciatalgie.
Lésions psychologiques : Le Tribunal a aussi reconnu un trouble de l’adaptation, puis une dépression majeure, comme étant en lien avec les conditions de travail. L’analyse a démontré que l’environnement dépassait le cadre normal du travail attendu pour un tel emploi (surcharge, équipement inadéquat, manque de soutien, organisation déficiente).
Failles administratives : Des erreurs dans la gestion des assurances collectives ont privé l’employée de revenus pendant une période prolongée. Le Tribunal a considéré que ces difficultés, liées à des obligations administratives incombant à l’employeur, ont aggravé la situation.
Principaux enseignements pour les employeurs
1. Respect des tâches et des conditions annoncées
Un écart important entre les conditions de travail présentées à l’embauche et la réalité du poste peut constituer un facteur de stress professionnel reconnu comme cause d’une lésion psychologique. Il est donc essentiel d’assurer la cohérence entre le descriptif d’emploi et les tâches réellement confiées.
2. Encadrement de la charge de travail
Une charge excessive, notamment en termes d’heures de travail ou d’intensité physique, doit être surveillée. Une surcharge prolongée peut être considérée comme un agent stresseur professionnel.
3. Obligation de sécurité
L’utilisation d’équipements inadéquats ou non conformes, ainsi que l’affectation répétée dans des environnements de travail non sécuritaires, peuvent exposer l’employeur à un constat de manquement. La responsabilité demeure même si le travail est effectué chez un client.
4. Traitement rapide des plaintes
L’inaction face aux plaintes exprimées par un employé concernant sa sécurité ou ses conditions de travail peut être interprétée comme une absence de soutien. Le TAT a jugé que l’inaction contribuait à un climat de travail non conforme aux normes attendues.
5. Rigueur dans la gestion administrative
Des erreurs de gestion des assurances ou des communications imprécises sur les prestations peuvent avoir des conséquences importantes. Ces erreurs, si elles privent un travailleur de ses droits, peuvent être retenues comme des éléments aggravants dans l’évaluation d’une lésion psychologique.
Conclusion
Cette décision rappelle l’importance pour les employeurs de maintenir des conditions de travail claires, sécuritaires et conformes aux ententes initiales. Elle souligne aussi que la surcharge, l’équipement inadéquat, l’absence de réponse aux plaintes et les lacunes administratives peuvent, ensemble ou séparément, être à l’origine de lésions professionnelles, physiques ou psychologiques.
Les employeurs doivent adopter une approche proactive en matière de santé et sécurité, de gestion des ressources humaines et de conformité administrative pour réduire les risques juridiques et assurer le bien-être des travailleurs.