
Lorsqu’un employé fait face à des accusations criminelles, un employeur peut se poser la question suivante : peut-on légalement le congédier? La récente décision du Tribunal administratif du travail (TAT) dans l’affaire Indeed Canada Corp. apporte un éclairage important sur cette question.
Dans cette affaire, l’employé, occupant un poste de chef d’équipe des ventes, a été congédié après que l’employeur ait découvert, via les médias, qu’il faisait face à des accusations de fraude. L’entreprise a justifié son congédiement en s’appuyant sur des jugements civils antérieurs condamnant l’employé pour des actes frauduleux. Cependant, le Tribunal a jugé que cette raison était un prétexte, et que la vraie cause du congédiement était l’arrestation et les accusations criminelles.
Le TAT a donc ordonné la réintégration de l’employé, considérant que l’employeur n’avait pas démontré un lien objectif entre les accusations criminelles et l’emploi.
Leçons importantes pour les employeurs
1. Les accusations criminelles ne sont pas une cause automatique de congédiement
L’article 18.2 de la Charte des droits et libertés de la personne interdit à un employeur de congédier un salarié uniquement parce qu’il fait face à des accusations criminelles, à moins qu’il y ait un lien direct avec l’emploi occupé.
✅ Un employeur ne peut congédier un employé simplement en raison de son arrestation ou de ses accusations criminelles.
✅ Il faut prouver que l’infraction compromet directement l’exécution du travail ou nuit à l’entreprise de manière tangible.
2. Une enquête interne doit être rigoureuse et impartiale
Dans cette affaire, l’employeur a affirmé que la décision de congédier l’employé était basée sur des jugements civils antérieurs. Or, la preuve a démontré que c’est l’arrestation et les accusations criminelles qui ont déclenché l’enquête et la décision de congédiement.
✅ Avant de prendre une décision, il faut s’assurer que le motif du congédiement est clair, objectif et bien documenté.
✅ Une enquête interne doit se concentrer sur l’impact réel de la situation sur le travail, et non sur la simple perception négative.
3. Un employé n’a pas à divulguer ses démêlés civils ou criminels
Le Tribunal a conclu que l’employé n’avait aucune obligation de divulguer ses jugements civils antérieurs ou ses accusations criminelles en cours, car ces éléments n’avaient aucun lien direct avec son poste.
✅ Un employeur ne peut pas exiger qu’un employé dévoile des procédures judiciaires passées qui ne sont pas en lien avec l’emploi.
✅ Une clause contractuelle obligeant à divulguer toute accusation criminelle pourrait être jugée discriminatoire si elle ne respecte pas la Charte des droits et libertés.
4. La réintégration est la règle, sauf exception
Le Tribunal a ordonné la réintégration de l’employé, soulignant que l’employeur n’avait pas démontré que la relation de travail était irrémédiablement rompue.
✅ Si un congédiement est jugé injustifié, le salarié peut être réintégré dans son poste avec tous ses droits et privilèges.
✅ Pour éviter une telle situation, il faut démontrer que la réintégration est réellement impossible, ce qui demande des preuves solides.
Conclusion
Cette décision rappelle aux employeurs que la précipitation dans un congédiement lié à des accusations criminelles peut mener à des conséquences sérieuses. Il est essentiel de :
✔ Évaluer objectivement la situation avant d’agir.
✔ Démontrer un lien clair entre l’accusation et l’emploi.
✔ Suivre une procédure rigoureuse pour éviter les décisions arbitraires.
Avant de congédier un employé dans une telle situation, il est recommandé de consulter un expert en relations du travail pour éviter des recours coûteux et des réintégrations forcées.