La qualification d’un contrat de travail comme étant à durée déterminée ou indéterminée peut avoir des conséquences majeures, particulièrement lorsqu’un différend survient en lien avec la résiliation ou les droits des parties. L’affaire récente Golf des Quatre Domaines inc. c. Bélanger de la Cour d’appel du Québec est un exemple frappant de l’importance de cette distinction. Cette décision souligne que la véritable intention des parties prime sur les termes écrits d’un contrat lorsque vient le temps de déterminer sa nature juridique.
Contexte de l’affaire
Une directrice générale, employée du Golf des Quatre Domaines (GQD), a vu son contrat initialement verbal être consigné par écrit en mars 2018. Une clause de résiliation bilatérale y était incluse, permettant à chaque partie de mettre fin à la relation avec un préavis. Un addenda signé quelques mois plus tard prévoyait un paiement annuel conditionnel à un engagement de cinq ans, ce qui, selon l’employée, transformait le contrat en un contrat à durée déterminée.
Lors de son licenciement en novembre 2018, l’employée a intenté un recours pour congédiement déguisé, affirmant que son contrat était à durée déterminée et que l’employeur devait lui verser la rémunération prévue pour les années restantes. En première instance, la Cour supérieure a conclu que le contrat était à durée déterminée et a condamné l’employeur à payer des indemnités. Cependant, cette conclusion a été renversée par la Cour d’appel.
La décision de la Cour d’appel
1. Nature du contrat : l’importance de l’intention commune
La Cour d’appel a établi que la véritable intention des parties doit primer sur les termes isolés d’un contrat. Bien que l’addenda mentionnait un engagement de cinq ans, d’autres dispositions — notamment la clause de résiliation bilatérale — suggéraient que les parties n’avaient pas l’intention de se lier pour une durée fixe. La Cour a souligné qu’un contrat contenant une telle clause est généralement incompatible avec la notion de contrat à durée déterminée.
2. Conséquences de la résiliation
En concluant que le contrat était à durée indéterminée, la Cour d’appel a accordé à l’employée un délai-congé raisonnable de 20 mois, correspondant à son ancienneté et à ses fonctions, plutôt que les indemnités pour les années restantes prévues dans un contrat à durée déterminée.
Leçons tirées de cette affaire
1. Rédaction précise et claire des contrats
Pour éviter les litiges, il est crucial que les contrats de travail soient rédigés avec soin et précisent clairement la nature de la relation d’emploi. Une ambiguïté dans les termes ou un conflit entre les clauses peut entraîner une interprétation défavorable pour l’une des parties.
2. Faculté de résiliation : un indicateur clé
La présence d’une faculté de résiliation dans un contrat est souvent incompatible avec un engagement à durée déterminée. Cette clause laisse à chaque partie la possibilité de mettre fin à l’engagement avant son terme, ce qui contredit l’essence même d’un contrat à durée déterminée.
3. Importance des indices contextuels
Lorsqu’un litige survient, les tribunaux analysent l’ensemble du contrat et le contexte dans lequel il a été conclu. Une intention claire et non équivoque de transformer un contrat à durée indéterminée en contrat à durée déterminée doit être démontrée pour que cette transformation soit reconnue.
Conclusion
L’affaire Golf des Quatre Domaines inc. c. Bélanger rappelle que la qualification correcte d’un contrat de travail est essentielle pour protéger les droits des employeurs et des employés. Une rédaction ambiguë ou contradictoire peut entraîner des conséquences financières importantes. Employeurs et employés devraient s’assurer que leurs intentions sont bien exprimées et consulter un spécialiste, tel qu'un conseiller en relations industrielles agréés (CRIA), pour garantir que leurs contrats reflètent clairement leurs attentes.